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Poursuite du programme Les gens de l’Île-d’Yeu chantent !

Pour compléter le programme musical du tome II Les gens de l’Île-d’Yeu chantent, qui sort fin juin 2018, il était devenu indispensable de retourner sur le terrain…

Poursuivant la programmation du second corpus courant du mariage à la petite enfance, une simple consultation de la base RADdO révélait le manque de matériau concernant le patrimoine chanté lié à la petite enfance : un quarantaine de références collectées entre 1967 et 2016 sur l’île. Il faut avouer que les collecteurs d’Arexcpo ont questionné les Islais, ailleurs aussi, sur le répertoire maritime et les chansons à mener les danses. Les quelques déposants d’archives sonores n’ont guère fait mieux.

Pour cette édition en quatre tome, voire cinq si la collecte s’avère riche, dédiée à l’Île-d’Yeu, il a été choisi de présenter un programme le plus exhaustif possible en le classant selon les normes du catalogue raisonné Chanson française de tradition orale, de Patrice Coirault, édité par la Bibliothèque nationale de France, entre 1996 et 2006. Quatre épais volumes constitués de 2 230 chansons-type classée en 121 rubriques permettent de trouver les origines et leur répartition géographique d’une bonne partie des chansons que nous collectons de la bouche même de nos personnes ressources. Bien que, Patrice Coirault ne s’est pas particulièrement intéressé au répertoire dédié aux petits enfants. Seulement, une petite centaine de pièces figurent dans son catalogue.

Aussi, si le premier tome de l’édition Les gens de l’Île-d’Yeu chantent est consacré aux chansons d’amour, des textes idylliques aux demandes en mariage, le second ne pouvait que poursuivre le cycle naturel de la vie humaine : des promesses de mariage, des rituels composant la journée d’un mariage, pour se poursuivre avec des textes de « biens mariés », bien peu, aux « maumariés », très nombreux. Rappelons que ce sont des chansons anciennes, c’est-à-dire d’avant la Révolution française. Les choses ont bougé depuis ! Non allez-vous réagir… Et le mariage c’est fonder une famille, avec des enfants et, pour notre dossier, de nombreux petits enfants. Car si les parents connaissaient le répertoire pour accompagner toutes les étapes de la vie, avant 1950, c’était plutôt l’affaire des grands-mères que de s’occuper des enfants. Les premières berceuses, sauteuses, risettes, taiseuses… termes de l’ethnomusicologue canadien Conrad Laforte[1], étaient les premières manifestations culturelles dont les bébés étaient nourris.

Pour compléter et vérifier le corpus existant, mais aussi, et surtout, pour présenter un maximum de chants brefs réservés aux petits enfants, il nous a fallu mettre en place une méthodologie. Reprenant les titres des formulettes enfantines classées par fonctionnalité par Conrad Laforte, une liste a été dressée et soumise aux personnes ressources. Ce fut les 25 et 26 avril dernier à Saint-Sauveur, en l’Île-d’Yeu. Mesdames Marie-Claude Barbotin, Simone Bessonnet, Marie-Thérèse Couthouis, Denise Girard et Christiane Taraud, messieurs Lionel Cantin et Pierre Mechin, se sont livrés à nos sollicitations. A l’énonciation de chaque incipit, plus de 200, la réponse était négative ou positive, une pièce sur deux a retrouvé vie. Le réveil et la sollicitation de la mémoire ont animé durant trois séances de 3 heures chacune le petit groupe tout aussi passionné par la renaissance de petit trésor chansonnier que le fait de le transmettre à la postérité. A plusieurs reprises des formulettes inédites ont été révélées. Alors pourquoi aller moissonner en 2018 alors que la plupart a été catalogué par le savant Québécois ? Parce que c’est comme les armoires de nos grands-mères, elles sont toutes différentes ! L’oralité est une artisane de l’art de faire avec peu mais le faire beau et efficace. Les chansons étaient voyageuses à travers le temps, mais aussi à travers l’espace. Ce sont autant de versions qu’il y a de colportrices et de colporteurs, d’artisanes et d’artisans.

Avec des moyens humains de l’OPCI, avec Morgane Godet, stagiaire de l’université de Nantes, et les moyens financiers et matériels d’Arexcpo et de l’OPCI, deux journées sur l’île d’Yeu ont permis de recueillir et sauvegarder[2] près de 150 pièces musicales nouvelles. Et la source n’est pas tarie aux dires de nos amis islais. C’est aussi une démonstration que le collectage du patrimoine ancien mais vivant peut encore est entrepris.

Une petite poulette grise, qui couvait dans l’église, pour faire des cocos tout chauds

Jean-Pierre Bertrand